Comment est née l’idée du livre ?
Au retour d’un voyage au Portugal, Rebecca a fait un gâteau décoré avec des fruits en pâte d’amande qu’elle avait rapportés. Il était tellement beau que Marie a imploré Rebecca de faire un livre de gâteaux décorés. “ Je veux bien si c’est toi qui me dessine des gâteaux ! ” a répondu Rebecca. On a essayé avec un premier dessin, et hop c’était parti. Rebecca a invité des ami.e.s à venir goûter ses gâteaux. Ça a beaucoup amusé les gens de voir le dessin et le gâteau en vrai donc on s’est dit qu’on devrait en faire un livre…
Que voulez-vous transmettre au travers de cet album ?
L’idée de créer avec les gens qu’on aime, de créer ENSEMBLE, chacun.e apportant des choses différentes. Porter un projet à deux (ou plus), c’est un dialogue. On échange des idées, on se motive, on se surprend l’un.e l’autre. Nous trouvons le résultat d’une collaboration souvent plus riche que le fruit d’un travail solitaire.
Saviez-vous dès le début qu’il y aurait du dessin, de la poésie, de la photo, de la pâtisserie ?
Marie dessine. Rebecca fait des photos, et elle aime faire des gâteaux. Ces rôles étaient clairs dès le départ. Ensuite on s’est dit qu’il faudrait du texte pour accompagner nos images, mais on ne savait pas vraiment quel genre de texte. Un jour, Rebecca s’est mise devant les images du premier gâteau et c’est venu tout seul : le principe du rêve pour le gâteau dessiné, puis la réalité qui s’installe avec le « vrai » gâteau photographié. Les rimes se sont imposées naturellement, comme une évidence. Cela sonnait bien, c’était amusant, cela amenait un rythme.
Comment avez-vous pensé la narration ?
Le dialogue que nous avons eu en passant de l’atelier de Marie à la cuisine de Rebecca, du partage à la surprise, se retrouve dans ce livre. Il n’y a qu’une voix qui raconte, une même personne qui rêve et cuisine, qui mesure la beauté de son imaginaire et se met au travail pour rendre ses rêves réalité. Quelle force ! C’est ludique de tourner la page pour découvrir la version « réelle » de chaque gâteau. C’est amusant de comparer les deux versions, de voir les choix d’adaptation, les similarités, les différences. Comme un jeu des sept erreurs !
En quoi ce n’est surtout pas un livre de recettes ?
Ce livre, on l’a pensé d’abord comme un livre dont l’intérêt était plus dans la relation des gâteaux ensemble que dans le gâteau même. Il nous est apparu ensuite que nos lecteurs et lectrices pourraient vouloir les recettes… C’est pour nous un bonus. On ne voulait pas que les recettes prennent le pas sur l’ambition première de notre projet, on voulait un livre poétique plus que pratique. Un livre qui fait sourire, qui inspire, qui incite à la création sans dicter absolument. On préférerait que les gens ne suivent pas ces recettes à la lettre, mais qu’ils se les approprient et fassent “à leur sauce”.
Racontez-nous le processus créatif à quatre mains…
Marie : Je commence par crayonner des idées dans un carnet. J’essaye de ne pas regarder trop de gâteaux, je préfère trouver l’inspiration dans d’autres objets : sculptures anciennes, peintures, céramiques, textiles anciens avec des motifs… Une fois que j’ai une idée un peu claire, je prends mon iPad pour faire le croquis au propre. Je l’imprime et le place sur ma table lumineuse, et là vient mon moment préféré : la peinture ! Rebecca : Quand Marie m’envoie un nouveau dessin, je réfléchis tout de suite aux composants et parfums possibles. Je mets en place un plan d’attaque mais il faut ensuite faire des recherches et comparer des recettes pour chaque élément afin d’en élaborer une qui semble simple, sensée et délicieuse. En général je passe quelques heures, la veille du goûter, à préparer tout ce que je peux en amont, puis je fais tout ce qui reste le jour J. Après le goûter, tout le monde repart avec un tupperware de gâteau s’il y a des restes, tout doit disparaître ! Dès que je sais de quoi le gâteau sera fait, j’essaie d’écrire la poésie qui va avec. Certaines sont venues très rapidement, d’autres nécessitent plus de temps, et j’y reviens plusieurs fois pour changer et peaufiner. Si le texte est déjà écrit lorsqu’on déguste le gâteau, il y a une lecture à haute voix, ça fait aussi partie de la formule !
Rebecca, d’où te vient ce goût de l’écriture, de la poésie ?
Il a toujours été là. C’est quelque chose qui me vient très naturellement, un talent que je chéris, un vrai plaisir. Enfant, je créais des BD et j’écrivais des tragédies grecques pendant les vacances. J’aimais écrire des histoires, des dialogues. Je calligraphiais des lettres d’un autre temps sous le pseudonyme de Madame de Réan. Il est évident que tous les livres dont j’étais entourée et la poésie de mes albums jeunesse favoris m’ont nourrie et influencée. J’ai aussi aimé le surréalisme et l’humour dans les écrits de Boris Vian et de Georges Perec. Le sens de l’absurde. Être limitée dans l’écriture par le nombre de syllabes et les consonances est un exercice intéressant et amusant. C’est aussi très satisfaisant quand une phrase prend enfin forme avec la bonne intention narrative, la bonne tournure et les bons mots, les syllabes qu’il faut et… que ça rime avec la phrase d’avant ! Ça marche ! Hourra !
Raconte-nous les séances photo…
Quand le gâteau était terminé, la prise de vue devait être rapide et efficace, car il fallait encore ranger le désordre avant que tous nos amis débarquent pour manger. J’installais le gâteau sur un tabouret à côté de la fenêtre avec un grand papier de couleur courbé et aimanté à mon frigo. C’était mon studio ! Je me concentrais sur un portrait simple du gâteau de face, puis je faisais quelques photos de près, du dessus, pour avoir différentes vues amusantes, ça pouvait toujours servir.
Propos recueillis par Anne Bensoussan. Photographie Marie Assénat © Rebecca Genet, photographie Rebecca Genet © Susanne Hassler-Smith.